Exposition « Peindre hors du monde »

Il y a quelques années, j’avais vu l’exposition « Le Japon au fil des saisons » au musée Cernuschi et j’avais été enchantée. Cette fois-ci, c’est l’exposition « Peindre hors du monde, Moines et lettrés des dynasties Ming et Qing » que je suis allée voir et, bon, j’avoue : j’aurais voulu ramener certaines pièces chez moi pour m’en inspirer et les accrocher dans mon salon !

L’exposition présente une centaine de pièces, toutes issues d’une même collection à laquelle son propriétaire, Ho Iu-kwong, suivant la tradition chinoise, avait donné le nom de Chih Lo Lou c’est-à-dire le « le pavillon de la félicité parfaite » ?

Grand panneau vertical avec de la calligraphie, des montagnes, des arbres, une maison... Puis détail sur la maison, ouverte sur la nature, dans laquelle on aperçoit un homme
Shen Zhou (1427-1509) Le jeune Qian lisant (et un détail), 1483
Encre et couleurs sur papier 151 x 64,8 cm
Collection Chih Lo Lou © Musée d’art de Hong Kong

Cette collection réunie des œuvres datant d’une période troublée (du milieu du XVe siècle au début du XVIIIe siècle) durant laquelle de nombreux intellectuels se sont retirés « hors du monde » et on peint la nature et le paysage, considéré comme le lieu de retraite par excellence. Les monts Huang (Monts jaunes) deviendront même un thème artistique et un lieu de retraite particulièrement répandu.

Quatre panneaux verticaux représentants des payages à l'encre de chine
Mei Qing (1624-1697) Les Monts Huang, non daté.
Encre et couleurs sur papier. 153 x 42 cm.
Collection Chih Lo Lou © Musée d’art de Hong Kong

L’exposition met aussi en avant la pratique de la référence : les artistes peignent avec le style d’un maître du passé, les inscriptions permettant de détaillée la référence faite. La calligraphie fait donc partie de l’œuvre et de la composition. J’ai d’ailleurs appris que les sceaux présents sur l’œuvre ne sont pas seulement ceux de l’artiste : chaque propriétaire de l’œuvre vient aussi successivement y mettre le sien.

Fragment d'un panneau sur lequel on voit trois colonnes d'idéogrammes dont certains sont enchaînés avec un même trait

En parlant de calligraphie, un style se développe lors de cette période et est présenté dans l’exposition : la cursive qui, comme la cursive dans notre alphabet latin, contribue à la fluidité entre les idéogrammes.

Huang Daozhou (1585-1646). Poème en calligraphie semi-cursive (détail), non daté.
Encre sur soie. 177 x 53,3 cm. Collection Chih Lo Lou © Musée d’art de Hong Kong

On apprend aussi que dans cette même période, on valorise l’étrangeté (qi ) et l’artiste Fu Shan aurait déclaré préférer « le gauche à l’habile, le laid à l’élégant, (…) le spontané au prémédité », ça me plaît bien 🙂

La poésie est également présente : soit que les artistes se sont inspirés de poèmes, soit que des annotations poétiques font partie de l’œuvre. Là encore, le paysage est à l’honneur.
J’ai d’ailleurs eu un vrai coup de cœur pour les Paysages de Yun Shouping mais je n’en ai hélas pas de reproduction. Le catalogue aurait pu m’en laisser une trace mais n’y était reproduit qu’en tout petit (et les photos étaient interdites à l’exposition).

Représentation d'un payasage, avec de la végétation et des formes ondulées de montagnes
Gao Jian (1635-1713) – Paysages inspirés des poèmes de Tao Yuanming (feuille n°1), non daté © Musée d’art de Hong Kong

Encre de chine sur rouleaux de soie, arbres, montagnes, rivières, calligraphies… c’était un foisonnement de choses à regarder, toutes plus fines et délicates les unes que les autres ! Les compositions méritent à elles toutes seules notre attention, équilibrant les espaces denses, les vides, les idéogrammes et même les sceaux.

Encre de chine et encore rouge représentant des feuilles et des fruits, calligraphie et sceaux
Zhu Ruoji (1642-1707), dit Shitao Fruits et légumes (feuille n°2), non daté
Encre et couleurs sur papier 28,5 x 22 cm
Collection Chih Lo Lou © Musée d’art de Hong Kong

Encore une fois, c’était un plaisir d’aller au musée Cernuschi, de faire un tour dans la collection permanente – ne serait-ce que pour aller saluer le grand Bouddha – et, ce qui ne gâche rien, repartir par le parc attenant.

Peindre hors du monde, Moines et lettrés des dynasties Ming et Qing
Musée Cernuschi, Paris
Du 5 novembre 2021 au 6 mars 2022


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